La fin de l’illusion… Le Hezbollah a-t-il entamé son déclin ? Écrit par le Dr Gilbert Moujabber

La fin de l’illusion… Le Hezbollah a-t-il entamé son déclin ?
Écrit par le Dr Gilbert Moujabber
Les funérailles massives qui ont eu lieu à Beyrouth n’étaient pas seulement un adieu à une direction disparue, mais bien une tentative de préserver l’image d’une puissance qui s’effrite, d’abord de l’intérieur, puis de l’extérieur. À première vue, la scène était marquée par des slogans et des chants, comme à chaque fois que le parti se retrouve en difficulté. Mais, en filigrane, un message implicite transparaissait : le statu quo n’est plus tenable, et l’avenir s’annonce comme une épreuve inévitable.
Aujourd’hui, après des décennies à imposer ses propres règles par la force, le Hezbollah se retrouve à un tournant décisif. L’arme qui lui servait jadis d’outil de domination devient désormais un fardeau. La réalité qu’il avait su manipuler commence à se retourner contre lui, imposant des transformations imprévisibles qui pourraient le contraindre à des choix auxquels il n’était pas préparé.
Un étalage de puissance… ou un aveu de faiblesse ?
Le Hezbollah a toujours su exploiter les moments de crise pour orchestrer des démonstrations de force. Mais ces foules massées dans les rues reflètent-elles un soutien populaire réel, ou sont-elles le fruit d’un contrôle social exercé par l’intimidation et la pression ?
Dans un État démocratique, la légitimité ne repose pas sur le nombre de manifestants, mais sur l’adhésion libre et consciente d’un peuple à ses institutions. Or, quelles que soient l’ampleur et la ferveur de ces rassemblements, elles ne changeront rien à la réalité d’un Liban en faillite, où le peuple, épuisé par la crise économique, n’accorde plus de crédit aux discours guerriers d’un parti qui prétend défendre la nation alors qu’il la maintient sous son joug.
Les slogans ne nourrissent plus personne. Les Libanais ne sont plus dupes : la “résistance” dont le Hezbollah se réclame ne vise plus à protéger le pays, mais à préserver son emprise sur l’État, quitte à en accélérer la déliquescence.
Une nouvelle direction face à son plus grand défi
Le départ d’un dirigeant charismatique laisse toujours un vide, mais dans le cas du Hezbollah, le problème dépasse largement la question de la succession. Ce qui change aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les hommes, mais le contexte lui-même.
Sur le plan interne, une crise de confiance grandissante se manifeste, y compris au sein de la communauté chiite, autrefois acquise à la cause du parti. L’effondrement économique a créé un fossé entre la base populaire, qui endure pauvreté et précarité, et les dirigeants, qui continuent de tirer profit du système. La population, jadis unie sous la bannière du Hezbollah, commence à se poser des questions : Où nous mène cette politique d’affrontement permanent ? Quel avenir pouvons-nous espérer alors que nous sommes de plus en plus isolés du monde ?
À l’international, le Hezbollah est confronté à une réalité nouvelle : les alliances sur lesquelles il s’appuyait se fragilisent, et la pression internationale se fait de plus en plus implacable. La communauté internationale ne tolérera plus indéfiniment un État dans l’État, qui échappe à toute règle et compromet la souveraineté du Liban.
L’armement du Hezbollah : de force à fardeau
Pendant des années, le Hezbollah a justifié son arsenal militaire en affirmant qu’il était indispensable à la protection du Liban. Mais aujourd’hui, ces armes sont perçues comme un obstacle à la stabilité du pays plutôt qu’un moyen de le défendre.
Même au sein de sa base, la question se pose : pourquoi le parti continue-t-il à s’accrocher à un modèle qui n’a plus lieu d’être ? La persistance de cette milice armée en dehors du cadre étatique empêche toute perspective de reconstruction nationale et maintient le Liban sous la menace permanente de représailles internationales et de conflits destructeurs.
La véritable interrogation est désormais la suivante : le Hezbollah est-il prêt à reconnaître que son arsenal est devenu un fardeau insoutenable, ou persistera-t-il dans une logique de confrontation qui ne peut mener qu’à son isolement et à son affaiblissement progressif ?
Après le deuil… la chute des masques
Les mois à venir seront décisifs, non seulement pour le Hezbollah, mais pour l’ensemble du Liban. L’équation actuelle ne peut plus durer. Le peuple libanais, qui a payé le prix fort en termes de stabilité et de prospérité, n’acceptera pas indéfiniment que son pays reste otage de calculs géopolitiques qui lui échappent.
L’histoire a prouvé que tout mouvement qui repose sur la force brute finit par s’effondrer. Car la puissance militaire seule ne crée pas la légitimité, et encore moins la pérennité. Le Hezbollah peut continuer à défier le cours du temps, mais il sait pertinemment que les règles du jeu ont changé. Le Liban, tôt ou tard, devra choisir entre être une véritable nation souveraine ou demeurer un champ de bataille pour des intérêts qui le dépassent.
Le Hezbollah doit se confronter à la vérité qu’il tente d’esquiver depuis trop longtemps : on ne peut pas être à la fois un parti politique et une milice, ni prétendre défendre un État tout en le minant de l’intérieur.
L’histoire est implacable. Ceux qui refusent d’en tirer les leçons finissent toujours par affronter, seuls, la réalité qu’ils ont voulu nier.